Le rythme adolescent dans un monde à l’arrêt


« Crise d’adolescence : en réalité le seul moment où l’homme, ayant mesuré son destin, est tenté d’aller jusqu’au bout de ses pensées »

Pierre Turgeon


La construction de notre société occidentale actuelle s’est développée autour de la consommation, de la communication, ainsi que de la mondialisation de l’économie. Ces trois mouvements ont grandement impacté l’individu et son fonctionnement. Une liberté de choix dans une diversification infinie.

Or lorsque la décision du confinement est apparue, c’est tout un monde à l’arrêt qui est venu s’imposer à toute la population française.

L’adolescent est un consommateur exigeant et multiple dans cette société du plein. Son identification en dépend. Il expérimente ses choix au travers sa construction psychique et identitaire. C’est d’ailleurs dans une recherche de l’approbation de ses pairs qu’il viendra attester de son statut d’adolescent.

« Il importe ainsi de faire valider la valeur de ses relations privilégiées et intimes sur Facebook, devenue la scène observée par ses huit cents amis, de faire valider son look, ses choix de vêtements, sa relation amoureuse, son implication, sa rupture, le choix, provisoire, de son orientation sexuelle. »1

Or dans une période de confinement, les choix sont nettement limités, venant ainsi amenuiser les interactions sociales. Les espaces de socialisation tels que : l’école, les centres commerciaux, club de sports etc, sont tous fermés. La sphère privilégiée de l’adolescent, doit laisser sa place pour, ce qu’il recherche à distancer, sa famille. ( Non pas qu’il la déteste, encore faudrait il lui demander, mais surtout parce que sa construction nécessite de l’espace). Ce changement massif va alors perturber une

dynamique déjà fragile, et sollicite des aménagements nouveaux. Les réseaux sociaux, déjà fortement investis, deviennent des canaux de communication privilégiés. Ils constituent un étayage rassurant dans ce contexte inédit. Le temps passé sur les réseaux sera encore plus important, avec la confrontation à une multitude d’informations.

Ce qui n’est pas expliqué à l’enfant, il se l’imaginera. Ce qui n’est pas dit à l’adolescent, il en cherchera la cause.

Entre toutes ces informations, on retrouvera celle de la théorie du complot, la perméabilité des adolescents rendrait propice la croyance à ce type de théorie. Cependant l’âge ne serait pas le facteur principal en cause, cela tiendrait davantage aucontexte social et éducatif de l’adolescent.2 En effet, il pourra y retrouver, dans son schéma de pensée, des informations lui permettant d’approuver ses doutes concernant

l’autorité (gouvernement/ses parents/ses professeurs) et qui viendra lui apporter des raisons de pouvoir être en colère.

Le confinement c’est aussi l’opportunité de prendre le temps avec l’adolescent afin qu’il vous explique sa compréhension des choses, et de l’accompagner à développer son libre arbitre. L’accompagner à développer son schéma de pensée n’étant pas de lui imposer la lecture du journal de papa politisé, mais de lui proposer un accès à différentes lectures et points de vue, tout en maintenant une vigilance sur l’auteur de cet écrit et sur sa source.

Ci joint, un lien vers un site spécialisé pour les adolescents qui expliquent la construction des théories du complot, avec en prime un test sur les « fake news »: https://www.geoado.com/hors-series/theories-complot-gare-aux-mythos/

Eloge de l’ennui… Face à la solitude, d’autres occupations devront naître et faire face à l’ennui en fera partie. Se confronter à l’ennui c’est, pour certain, se retrouver face au vide, être à l’écoute de ses conflits psychiques et de ses besoins, cela peut représenter une angoisse terrible. A contrario, pour d’autres, c’est ce qui permettra de développer sa créativité et de retrouver une certaine sérénité loin d’une pression sociale constante (a bas l’anxiété de performance !).

Si toutefois l’ennui était toujours impossible à accepter, il existe des milliers d’articles disponibles sur les réseaux sociaux pour occuper son temps. Des « tutos » se démultiplient afin de devenir créateur expert de vêtements « customisés », de pâtisseries à plusieurs étages, de potager, ou encore de création en tout genre.

La société « du plein » a encore de beaux jours devant elle, à défaut de pouvoir se déplacer, on permet au mouvement de s’installer dans nos foyers.

Et si dans tout cela, c’était l’adolescent le mieux placé pour nous apprendre à faire face au processus de changement que génère une crise ?


1 « Le rôle de la marque chez l’adolescent hypermoderne » Jocelyn Lachance.

2 Voir l’étude statistique : http://dante.univ-tlse2.fr/2452/1/cayrel_jane_M22016.pdf

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