N°5 : Au temps du confinement, quel est mon espace… ?

L’espace est instantanément perçu comme physique et limité : le bureau, la chambre, l’espace de jeu, la maison, l’appartement, l’immeuble : il est privé mais peut être public : la rue, le skate park, le hall de l’immeuble, il peut être grand, très grand mais petit aussi. Il peut être fermé mais il peut être ouvert : grand-ouvert ou filtrant ce qui peut ou qui ne peut pas entrer. Il a des limites : des murs, des bords, il se signale : un panneau, une entrée, il autorise ou interdit ce qui vient du dehors, il laisse aller et venir mais peut aussi enfermé, contraindre ou il peut à l’inverse, rassurer et sécuriser.

“Ceci est mon espace, ton espace, notre espace…”

Mais l’espace est aussi l’espace psychique et l’on pourrait dire de ses bords, de ses limites, de son étendue qu’il est aussi un lieu à géométrie variable, dont les accès sont mesurés et ne doivent pas être effractés : je ne laisse entrer que ce que je suis prêt à entendre ou voir.

Si les espaces psychiques rencontrent les espaces physiques : cela donnera peut-être une chambre désordonnée, un signe sur la porte de votre ado : « interdit d’entrer », des posters aux murs pour rappeler que la limite est ici mais qu’elle peut être habillée et rassurante.

En ce temps de confinement, nous avons rangé nos placards, trié nos courriers, jeté, gardé, nous avons mis de l’ordre dans notre espace de vie. Comment le faire avec nos pensées, nos souvenirs, comment ordonner cet espace-là ?

« La notion d’espace est formée, celui-ci est de prime abord limité. Mais cette limitation parait accessoire, parce qu’on peut apparemment toujours introduire une boîte plus grande qui enferme la plus petite. L’espace apparaît ainsi comme quelque chose d’illimité. »  Einstein, La relativité, Paris, Payot, 1978, pp. 156-159.

Nous pouvons alors imaginer que notre espace physique appartient à un espace plus grand qui appartient à un espace encore plus grand (ma chambre, ma maison, ma ville, mon pays, …). L’espace psychique aussi renferme des boîtes dans des boîtes, nous avons en tant qu’adulte une boite de « nous-adolescent » qui elle-même contient une boite de « nous-enfant », peut-être même que se cache une boite transmise par nos parents : trauma, résilience, histoire de guerre, de migration…

Ces espaces, tant physiques que psychiques, peuvent être habités ou abandonnés, se transformer et l’adolescent est particulièrement habile pour investir, à sa façon, les espaces : aller trop loin, ne pas oser, déborder, marquer son espace, se taire ou trop en dire, … Il est habile pour les transformer, les personnaliser afin qu’ils évoquent ce qu’ils sont.

Dans mon espace, il y a le monde et dans ce monde, il y a moi… alors quelle boite renferme l’autre ?


Nathalie Reymond-Babolat
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.


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