“Continuité d’activités, continuité des soins, continuité pédagogique …” le mot continuité a été entendu depuis le début du confinement comme pour (r)assurer à l’ensemble, à nous la Nation – travailleurs, étudiants, artisans, commerçants ou écoliers – que nous ne perdrions rien pendant le confinement. Les activités dites “essentielles” sont maintenues: pas de pénuries, la solidarité s’est mise en place pour les plus démunis, l’Etat s’engage aussi davantage pour maintenir (vaille que vaille!) l’économie.
Au premier jour du confinement, nous pensions seulement suspendre certaines de nos activités, comme une pause et puis, reprendre, exactement là où nous l’avions laissé: notre travail, nos loisirs, nos hobbies, notre routine quotidienne…
Il en sera autrement…
Le monde qui s’invite désormais à nous a cette nuance de dramatique acquise par l’arrivée, l’irruption d’un nouveau virus. Il y a bien quelque chose de nouveau et il nous faudra, à défaut de “reprendre”, “apprendre” à vivre dans ce nouveau monde.
Les ados d’aujourd’hui seront cette génération qui a connu le confinement, heureux (peut-être) d’apparaître dans les livres d’Histoire de demain!! Ils auront traversé cette épidémie, vu bousculées leurs perspectives et leur scolarité, jouant leur rôle de “héros” en restant à la maison.
Chaque génération s’est vue bousculée par un ou des événements.
Quel est le vôtre? A quel moment votre quotidien ou votre monde a t-il été effracté, intrusé, bousculé: à quel moment avez-vous retenu votre respiration parce que ce que vous entendiez à la radio ou regardiez à la télévision ne vous semblait tout simplement pas réel: le 11 Septembre, les attentats de Charlie Hebdo, …Dans ces moments de vacillements, il nous faut faire “corps”, trouver en nous et en appui avec l’Autre de quoi rester debout.
Devons-nous craindre davantage les jours prochains?
A l’échelle d’un individu, il existe pour lui des faits constitutifs de son histoire mais à l’échelle de l’humanité, des temps ont été bien plus ternes et d’autres bien plus glorieux et prospères. Le progrès nous a guidés vers le “toujours plus”, toujours plus vite, nous sommes toujours à vouloir mettre la main sur notre objet a (Jacques Lacan) c’est à dire sur “ce qui manque, par la faute du langage. Ce manque n’est lui-même pas simple car l’objet manque à la fois dans l’imaginaire, dans le symbolique, dans le réel, aussi bien que dans le nœud qu’ils forment entre eux.” (1) Il nous manque donc toujours quelque chose. Peut-être nous manquera-t-il encore plus demain mais dans ce manque, un vide se forme et laisse apparaître quelque chose de nous-même : un nouveau désir (pour combler ce nouveau manque).
Peut-être reverrons-nous nos priorités, nos ambitions, nos projets, pour aller “autrement” vers eux, ou pour en trouver de nouveaux. La société se transforme et elle nous transforme: en bien, en mal, en plus écolo, plus volontaire, en plus, en moins… Mais si elle a une action sur nous, nous pouvons aussi avoir une action sur elle.
Cet édito est le dernier de cette série écrite au fil du confinement. Béatrice, Mélanie, Elise et moi vous remercions pour votre lecture attentive, vos réactions et vos commentaires. Nous avons pris la plume, comme à notre habitude, pour mettre en mots et mettre des mots sur ce qui se passait pour nous tous, pour les adolescents, leur famille et pour les professionnels. Nous avons décidé de ne pas lâcher complètement la plume, et continuerons à publier des éditos à un rythme moins fréquent, nos activités au sein du réseau reprenant elles aussi. Nous vous retrouverons très bientôt!
Nathalie Reymond-Babolat
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.
(1) Soler Colette, « L’objet a de Lacan, ses usages », Champ lacanien, 2007/1 (N° 5), p. 77-84. DOI : 10.3917/chla.005.0077. URL : https://www.cairn.info/revue-l-objet-a-de-lacan-2007-1-page-77.htm