N°11 : Au temps du déconfinement: Reprendre, Réapprendre ou Apprendre…

N°11 : Au temps du déconfinement: Reprendre, Réapprendre ou Apprendre…

Continuité d’activités, continuité des soins, continuité pédagogique …” le mot continuité a été entendu depuis le début du confinement comme pour (r)assurer à l’ensemble, à nous la Nation – travailleurs, étudiants, artisans, commerçants ou écoliers – que nous ne perdrions rien pendant le confinement. Les activités dites “essentielles” sont maintenues: pas de pénuries, la solidarité s’est mise en place pour les plus démunis, l’Etat s’engage aussi davantage pour maintenir (vaille que vaille!) l’économie.

Au premier jour du confinement, nous pensions seulement suspendre certaines de nos activités, comme une pause et puis, reprendre, exactement là où nous l’avions laissé: notre travail, nos loisirs, nos hobbies, notre routine quotidienne…

Il en sera autrement…

Le monde qui s’invite désormais à nous a cette nuance de dramatique acquise par l’arrivée, l’irruption d’un nouveau virus. Il y a bien quelque chose de nouveau et il nous faudra, à défaut de “reprendre”, “apprendre” à vivre dans ce nouveau monde.

Les ados d’aujourd’hui seront cette génération qui a connu le confinement, heureux (peut-être) d’apparaître dans les livres d’Histoire de demain!! Ils auront traversé cette épidémie, vu bousculées leurs perspectives et leur scolarité, jouant leur rôle de “héros” en restant à la maison.

Chaque génération s’est vue bousculée par un ou des événements.

Quel est le vôtre? A quel moment votre quotidien ou votre monde a t-il été effracté, intrusé, bousculé: à quel moment avez-vous retenu votre respiration parce que ce que vous entendiez à la radio ou regardiez à la télévision ne vous semblait tout simplement pas réel: le 11 Septembre, les attentats de Charlie Hebdo, …Dans ces moments de vacillements, il nous faut faire “corps”, trouver en nous et en appui avec l’Autre de quoi rester debout.

Devons-nous craindre davantage les jours prochains?

A l’échelle d’un individu, il existe pour lui des faits constitutifs de son histoire mais à l’échelle de l’humanité, des temps ont été bien plus ternes et d’autres bien plus glorieux et prospères. Le progrès nous a guidés vers le “toujours plus”, toujours plus vite, nous sommes toujours à vouloir mettre la main sur notre objet a (Jacques Lacan) c’est à dire sur “ce qui manque, par la faute du langage. Ce manque n’est lui-même pas simple car l’objet manque à la fois dans l’imaginaire, dans le symbolique, dans le réel, aussi bien que dans le nœud qu’ils forment entre eux.” (1)  Il nous manque donc toujours quelque chose. Peut-être nous manquera-t-il encore plus demain mais dans ce manque, un vide se forme et laisse apparaître quelque chose de nous-même : un nouveau désir (pour combler ce nouveau manque).

Peut-être reverrons-nous nos priorités, nos ambitions, nos projets, pour aller “autrement” vers eux, ou pour en trouver de nouveaux. La société se transforme et elle nous transforme: en bien, en mal, en plus écolo, plus volontaire, en plus, en moins… Mais si elle a une action sur nous, nous pouvons aussi avoir une action sur elle.

Cet édito est le dernier de cette série écrite au fil du confinement. Béatrice, Mélanie, Elise et moi vous remercions pour votre lecture attentive, vos réactions et vos commentaires. Nous avons pris la plume, comme à notre habitude, pour mettre en mots et mettre des mots sur ce qui se passait pour nous tous, pour les adolescents, leur famille et pour les professionnels. Nous avons décidé de ne pas lâcher complètement la plume, et continuerons à publier des éditos à un rythme moins fréquent, nos activités au sein du réseau reprenant elles aussi. Nous vous retrouverons très bientôt!


Nathalie Reymond-Babolat
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.


(1) Soler Colette, « L’objet a de Lacan, ses usages », Champ lacanien, 2007/1 (N° 5), p. 77-84. DOI : 10.3917/chla.005.0077. URL : https://www.cairn.info/revue-l-objet-a-de-lacan-2007-1-page-77.htm


N°10 : Et la vie continue…Une maison d’enfants confinée.

N°10 : Et la vie continue…Une maison d’enfants confinée.
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Dans la lignée des articles parus, le dispositif Arpège maintient son soutien et son accompagnement auprès des professionnels. C’est dans ce contexte qu’il nous est apparu intéressant de pouvoir interroger des professionnels de maison d’enfants qui vivent aussi cette période de confinement. La Maison d’Enfants Paul Rabaut a accepté de se prêter à l’exercice.

Nous avons donc rencontré la Cheffe de Service ainsi que l’Educatrice Coordinatrice afin d’en savoir un peu plus sur ce que ce confinement a généré sur leur pratique.

En rentrant dans les locaux, c’est une sensation étrange de coupure entre le monde extérieur et cet endroit. Comme ci le virus, ici, n’existait pas, qu’il ne pouvait pas les atteindre. Les enfants jouent, les adolescents sont assis au soleil, sur les bancs, les éducateurs s’activent autour d’eux pour leur proposer des temps de partage et de convivialité. La salle d’activité autrefois investie sur des temps définis est remplie d’ateliers différents : des ateliers esthétiques, de peinture, de création et des jeux de société.

La vie continue ici, pour ces enfants qui ne peuvent pas rentrer au sein du domicile familial, c’est dans ces murs qu’ils passent leur quotidien. Ils sont confinés à 27, sans compter les adultes qui les entourent.

            « La cohésion sociale est due en grande partie à la nécessité pour une société de se défendre contre d’autres. »Henri Bergson

Henri Bergson

Lors de l’annonce du confinement, les enfants prennent la mesure de la gravité de la situation – ils évoquent souvent ce moment où le Président, lors de son allocution officielle, aborde la fermeture des écoles – une grande majorité d’entre eux font éclater leur joie, les autres prennent conscience d’un autre monde qui débute.

Rapidement, c’est tout un système qu’il faut alors repenser, le quotidien en est chamboulé. Les services de l’institution se sont réorganisés, chacun de façon autonome et recentré. Les plannings des professionnels sont modifiés afin de pouvoir effectuer un même taux d’encadrement avec moins de professionnels présents, les achats d’activités manuelles et alimentaires sont effectués pour occuper les enfants et pallier aux moments plus difficiles. C’est le terme de cohésion qui reviendra fréquemment dans les échanges, entre les enfants, entre les professionnels et entre tous, présents sur place.

Un nouveau quotidien débute, les éducateurs font front commun, ils sont tous présents, aménagent leur temps de travail et souhaitent entourer les enfants dans ces moments qu’ils projettent difficiles pour eux. Les écrits sont plus rares, moins événementiels et se concentrent sur les fins de mesures. Le temps éducatif est, principalement, du temps d’animation, de gestion du quotidien et dans le lien. La Cheffe de Service constate que certains se découvrent dans une fonction qu’ils avaient délaissée, par manque de temps, que d’autres sont moins à l’aise, quand certains voudraient que ce temps ne cesse plus. Ils refusent la possibilité d’une expérience douloureuse pour les jeunes accueillis, alors, de façon collective, ils repensent les pièces de la Maison d’Enfants pour leur proposer des espaces disponibles et ouverts à chaque instant de la journée. Un lieu dans lequel ils peuvent effectuer une activité manuelle, se retrouver pour discuter avec des éducateurs, entre enfants, regarder la télévision, ou juste observer les mouvements internes à l’institution. L’accompagnement des professionnels de l’EPI (l’Espace Pédagogique et d’Insertion) permet de rythmer leur journée avec des temps scolaires dédiés et adaptés à chaque enfant. Ils font le lien avec les professeurs qui ont maintenu les contacts avec leurs élèves.

La cour de l’institution est occupée pour danser, se réunir, prendre l’air ou partager sur/sous/à côté d’un banc les dernières actualités de chacun. L’ouverture de ces espaces a grandement modifié les liens. Les enfants ont apprécié les propositions d’activités qui venaient remplir leur journée lorsqu’ils en avaient besoin, les confidences et échanges entre eux et avec les adultes ont été plus fréquents et plus apaisés. La disponibilité physique et psychique des professionnels a permis d’adoucir le quotidien, de le rendre plus tranquille. « En ce moment on constate vraiment une liberté de paroles impressionnante (…). Ils parlent d’eux de façon plus libérée, avec beaucoup moins de filtres, ça a modifié les rapports entre tous, ils ont une totale confiance. On a parfois la sensation de vivre dans une grande famille : tout peut circuler. C’est aussi un point négatif puisqu’il faut rester vigilant, ça n’est pas toujours adapté au sein du groupe. »

Si les modifications internes ont préservé le collectif, il est constaté que la distanciation sociale a aussi permis d’apaiser les enfants placés, pour une majorité d’entre eux. Les visites médiatisées, les droits d’hébergements au domicile familial sont impossibles, les liens sont maintenus mais distendus. Les problématiques intrafamiliales demeurent donc à distance. Le manque des proches est présent pour les enfants, cependant les conflits sont amenuisés par la réduction des contacts et de messages qui pourraient les mettre à mal.

Aussi la sphère scolaire, bien qu’elle représente un endroit de socialisation, peut aussi être anxiogène. Ces anxiétés liées à la performance, aux contacts de proximité de leurs pairs ou à la confrontation de leurs difficultés d’apprentissages sont, par conséquent, abrogées de par la fermeture de leur institution scolaire. La présence des professionnels de l’EPI, permet d’accompagner les enfants dans un rythme plus adapté à leurs besoins et dans des groupes restreints. Quant aux adolescents qui sont dans des moments d’orientation ou à l’arrêt concernant leur insertion, ce confinement leur a permis de prendre du temps et du recul sur leur projection, ou d’en construire une. Certains d’entre eux ont profité de ces moments pour solliciter davantage d’entretiens avec la psychologue de l’institution.

Et Après ?

Le déconfinement est abordé de façon moins enjoué, comme s’il marquerait un arrêt à tout ce fonctionnement solidaire et en vase clos. Pour la suite, ce que les professionnels souhaitent maintenir c’est l’ouverture au sein de l’institution, de ces espaces, de ces déplacements, afin que ces liens, qu’ils ont la sensation d’avoir renforcé, ne se fragilisent plus. Cette période tant redoutée leur a semblé positive dans l’apprentissage de leur métier, autrement, et au plus près des enfants. « Le constat est unanime pour l’équipe éducative le confinement aura donné quelque chose de très positif, dans la manière de percevoir les jeunes, de les accompagner, de les comprendre et de les connaitre vraiment, c’est ultra positif pour nous ».


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Mélanie Magnin
Psychologue clinicienne,
Spécialisée en psycho-criminologie et victimologie


N°9 : Confinement des acteurs : un déplacement des organisations au service de l’innovation.

Faire de la contrainte une opportunité, c’est la proposition, formulée ou non, qui sera faite à l’adolescent dit « sous-main de justice » quand il entre dans un service éducatif de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

C’est la proposition à celui qui n’a pas choisi d’être là et c’est la meilleure, la seule lui permettant de « reprendre la main ». On ne lui dira pas tout de suite que, pour transformer la situation contrainte en opportunité, il faut accepter la rencontre, trop inquiétant. On ne lui dira pas tout de suite que la proposition, c’est la rencontre.

C’est un exercice coûteux pour l’adolescent et c’est un pari. Tout l’enjeu du travail éducatif sera qu’il en pressente les bénéfices plus que les coûts et qu’ainsi il ne renonce pas à l’exercice de ses capacités d’action, pour, lassé par l’effort consenti, retourner au rôle qu’il connaît comme s’il lui était prescrit.

A l’échelle des institutions éducatives aussi, le contexte actuel entre missions prioritaires, continuité d’action des services publics et crise sanitaire permet de revenir sur le concept d’acteur, ni libre ni prisonnier par rapport aux contraintes mais exerçant une influence au sein de modes d’organisation bouleversés. Aujourd’hui personne ne peut contrôler une certaine forme de tumulte, l’ensemble organisé devient mobile et les acteurs appelés parfois à occuper d’autres places, inhabituelles pour eux. Alors, dans cette expérience qui bouleverse le cadre habituel du travail « les acteurs choisissent parfois d’agir et parfois de tenir leurs rôles » Norbert ALTER l’innovation ordinaire, PUF, 2000.

Quoi qu’il en soit cette situation singulière ouvre des questions qui, si elles ne sont pas nouvelles dans les organisations de travail, deviennent incontournables et nécessitent qu’on s’y attache. Pour exemple, comment travailler tous ensemble sans être toujours tous là ? Les outils de communication actuels, si précieux à l’heure du télétravail, ne couvrent pas le champ de la question, bien plus vaste, qui est celui de la transmission dans les équipes au travail.

Dès lors le contexte actuel d’incertitude favorise t’il une logique d’innovation ? Innovation au sens d’un processus qui donnerait lieu à de nouvelles pratiques, permettant d’imaginer de nouveaux accords, d’élaborer de nouveaux projets, de se mobiliser autrement, mieux ?


Elise TIXIER
Educatrice STEMO de Nîmes


N°7 : Réussissez (à rater) votre confinement !!!

« Notre monde, bien près d’être submergé par le raz de marée des conseils prodigués par d’innombrables manuels et guides consacrés à la poursuite du bonheur, ne doit plus se voir refuser la bouée de sauvetage dont il a tant besoin. La connaissance des mécanismes et des processus produisant le malheur doit cesser d’être un secret jalousement gardé par la psychiatrie et la psychologie. »

Paul Watzlawick

Vous aussi vous l’avez remarqué ? Depuis le 16 mars dernier ont fleuri sur les réseaux sociaux conseils et vidéos en tout genre « spécial confinement », nous soumettant tantôt aux dernières recettes tendances (vous ne faites pas encore votre pain/brioche/pizza maison ? les ventes de farine ont explosé), tantôt aux cours online de gym  (revenez en forme au bureau, malgré les quantités de pain/brioche/pizza que vous aurez avalé) ou de yoga, méditation,… (relaxez-vous, mais si si, vous verrez, c’est pour votre bien…). Quand on ne compte pas avec cette pléthore de conférences en ligne sur toutes sortes de sujets…Bref, de ce temps entre parenthèses, il faudrait en ressortir plein.

Or, le confinement est en premier lieu un exercice qui nous est imposé, vide et plein s’entremêlent et se conjuguent au quotidien. Vidé de nos relations professionnelles, sociales, amicales, familiales quand on ne vit pas avec nos proches, ce temps a dû s’organiser dans une certaine précipitation, et dans l’incertitude quant à sa fin.

Aucun parent n’avait imaginé, dans une même unité de lieu -notre domicile- d’avoir à occuper ses fonctions parentales et conjugales à temps plein. Pour le meilleur et pour le pire, aviez-vous juré… Ajoutez, dans ce même espace, des fonctions professionnelles que vous n’aviez jamais exercées à votre domicile, voire des fonctions professorales auprès de vos enfants (vous n’aviez jamais imaginé que vous alliez devoir apprendre à votre enfant à lire, ou à votre ado à résoudre une fonction du second degré? ah bon). Et comptez avec tout cela la routine du domicile ; la cuisine et la buanderie ne sont pas mises en quarantaine, elles. Shiva elle-même n’aurait pas assez eu de bras (et de cerveaux !) pour tout gérer.

De même, aucun adolescent n’aurait pu raisonnablement imaginer vivre deux mois durant sans ses copains, son club de sport, son  bahut,…  bref, sans autre lien social IRL quesa famille nucléaire.

La famille est ainsi devenue une entité où plus rien – ou presque- n’entre ni ne sort, laissant ainsi la part belle aux médias (télé, réseaux sociaux) au sein du foyer. Cette situation, inédite, s’avère propice à l’émergence d’émotions diverses.

Dans un premier temps, c’est comme si les émotions liées à cette situation avaient été occultées. Or, comme l’a rappelé Boris Cyrulnik, le confinement « est une forme d’agression psychologique, et neurologique. On n’est pas fait pour vivre seul. On peut parfois s’isoler de la société, et se reposer quand on a été trop stimulé. Mais ce n’est pas le confinement. »

Pourtant peu de littérature est apparue sur le fait qu’éprouver toute une palette d’émotions allant de la joie à la tristesse en passant par l’anxiété était de l’ordre de la normalité. Il est normal d’avoir ressenti à certains moments de l’euphorie d’être chez soi, avec ses proches, sortis de notre quotidien, il est normal d’avoir ressenti des moments de repli sur soi, normal de s’être senti angoissé par les informations et le contexte général.

Les émotions, bonnes ou mauvaises, font partie de toute vie humaine normale.

Les seuls s’étant emparés dès le départ  de ces questions d’émotions liées au confinement étaient ceux qui y sont confrontés dans leurs formes les plus extrêmes, ou pathologiques : plateformes de services de santé mentale, de lutte contre les violences conjugales, etc.

Ce qui n’est pas normal, c’est de perdre toute liberté vis-à-vis de nos ressentis, les laisser nous submerger durablement  sans plus avoir aucune prise dessus.

Or, cette période particulière a vu apparaître des épisodes de violences, en famille ou en institution, chez des personnes et des professionnels pour qui la violence n’a habituellement pas cours. Faisons l’hypothèse que bon nombre de ces personnes se sont retrouvées face à des situations de contraintes et d’injonctions paradoxales, matérielles et émotionnelles, sans pouvoir se décaler et en dire quelque chose, exprimer la position inconfortable, voire impossible dans lesquelles toutes ces contraintes les mettaient.

Alors…N’essayons pas de maîtriser l’immaîtrisable, lâchons ce qui n’est pas essentiel à notre survie physique et psychique de cette situation que nous n’avons ni souhaitée ni anticipée. Nous reviendrons peut-être au travail sans avoir rempli tous nos objectifs, au bahut sans maîtriser les équations du second degré. Nous aurons pris cinq kilos, alors que nous n’aurons même pas trouvé le temps d’essayer de faire notre pain. Nous n’aurons jamais dépassé la seconde séance de ce MOOC si prometteur.

Parlons-nous en notre fort intérieur de ce qui nous coince, parlons-en à notre entourage, partageons nos émotions et aidons nos plus jeunes à mettre des mots sur les leurs, sans les angoisser. Ces paroles seront soutenantes de l’ « après ».


Béatrice Delpont
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.


Pour aller plus loin :

https://www.franceinter.fr/societe/boris-cyrulnik-on-a-oublie-qu-on-appartenait-au-monde-vivant

Et pour rire sur le sujet : « Faites vous-même votre malheur » de Paul Watzlawick, Editions du Seuil, 1984.


N°6 : Le confinement, une ouverture vers la création 
 d’une relation thérapeutique, autrement.

N°6 : Le confinement, une ouverture vers la création 
 d’une relation thérapeutique, autrement.

Face au confinement, nombre de psychologues se sont mis à expérimenter les consultations via la technologie informatique, jusque-là, peu ou pas utilisée.

Il est interessant de pouvoir analyser que les Psychologues, quel que soit leur courant, ne définissent pas leur relation thérapeutique (dite aussi alliance, transfert ou collaboration) au travers la présence physique de leur patient. Freud a évoqué le transfert à partir de la création d’une relation qui dépasse l’analyste et l’analysé :

«Cette relation, qu’on appelle, pour faire bref, transfert, prend bientôt la place chez le patient du désir de guérir et devient, tant qu’elle est tendre et modérée, le support de l’influence médicale et le ressort véritable du travail analytique commun. »1
Les cognitivistes évoquent un rapport collaboratif, il n’est pas non plus mentionné la nécessité d’avoir son patient en face de soi pour construire ce travail.

Si certains s’opposent à la découverte de ces outils pour différentes raisons qui leur appartiennent, d’autres, au contraire, ont pu vérifier leur intérêt, dans leur relation thérapeutique et pour leur patient. Concernant les situations des adolescents, nous avons expérimenté trois façons de maintenir le lien et d’échanger avec eux :

– « la visio »
– l’appel téléphonique
– les correspondances écrites
C’est en échangeant avec les adolescents que l’on a pu s’apercevoir que si la consultation à distance était essentielle à maintenir, elle ne l’était pas forcément avec un échange vidéo.

« La visio » vient ouvrir sur l’intimité du professionnel et de son patient un élément pouvant créer un sentiment de malaise de la part des deux protagonistes. Outre ce que l’on décide de mettre en lumière au travers la caméra, l’absence physique mais le maintien de l’image peut aussi être problématique pour l’un comme l’autre (on remarque d’ailleurs l’essor de tenue non assortie bas décontracté/haut habillé). La visio permet en revanche de pouvoir préserver l’analyse d’un langage corporel. Ce langage vient en effet apporter des éléments riches quant aux réactions immédiates et inexprimées.

Concernant les deux autres outils, ils suppriment la vue jusqu’à se focaliser sur un seul : l’Ecoute. Mais n’est il pas l’essence même du métier de psychologue ?

En 2010, l’équipe de Laurent Renier, de l’Institut des neurosciences de l’université catholique de Louvain, a découvert que le cerveau des personnes aveugles réutilise le cortex visuel pour développer ses aptitudes auditives, olfactives et tactiles : la zone

Le confinement

Face au confinement, nombre de psychologues se sont mis à expérimenter les consultations via la technologie informatique, jusque-là, peu ou pas utilisée.

Il est interessant de pouvoir analyser que les Psychologues, quel que soit leur courant, ne définissent pas leur relation thérapeutique (dite aussi alliance, transfert ou collaboration) au travers la présence physique de leur patient. Freud a évoqué le transfert à partir de la création d’une relation qui dépasse l’analyste et l’analysé :

«Cette relation, qu’on appelle, pour faire bref, transfert, prend bientôt la place chez le patient du désir de guérir et devient, tant qu’elle est tendre et modérée, le support de l’influence médicale et le ressort véritable du travail analytique commun. »1
Les cognitivistes évoquent un rapport collaboratif, il n’est pas non plus mentionné la nécessité d’avoir son patient en face de soi pour construire ce travail.

Si certains s’opposent à la découverte de ces outils pour différentes raisons qui leur appartiennent, d’autres, au contraire, ont pu vérifier leur intérêt, dans leur relation thérapeutique et pour leur patient. Concernant les situations des adolescents, nous avons expérimenté trois façons de maintenir le lien et d’échanger avec eux :

– « la visio »
– l’appel téléphonique
– les correspondances écrites
C’est en échangeant avec les adolescents que l’on a pu s’apercevoir que si la consultation à distance était essentielle à maintenir, elle ne l’était pas forcément avec un échange vidéo.

« La visio » vient ouvrir sur l’intimité du professionnel et de son patient un élément pouvant créer un sentiment de malaise de la part des deux protagonistes. Outre ce que l’on décide de mettre en lumière au travers la caméra, l’absence physique mais le maintien de l’image peut aussi être problématique pour l’un comme l’autre (on remarque d’ailleurs l’essor de tenue non assortie bas décontracté/haut habillé). La visio permet en revanche de pouvoir préserver l’analyse d’un langage corporel. Ce langage vient en effet apporter des éléments riches quant aux réactions immédiates et inexprimées.

Concernant les deux autres outils, ils suppriment la vue jusqu’à se focaliser sur un seul : l’Ecoute. Mais n’est il pas l’essence même du métier de psychologue ?

En 2010, l’équipe de Laurent Renier, de l’Institut des neurosciences de l’université catholique de Louvain, a découvert que le cerveau des personnes aveugles réutilise le cortex visuel pour développer ses aptitudes auditives, olfactives et tactiles : la zone

Le confinement

chargée des informations visuelles se remodèle pour traiter plus finement celles transmises par les autres sens2.

L’appel téléphonique permet de maintenir le lien, si l’accès aux expressions corporelles reste impossible, c’est pour privilégier l’écoute et la parole.
Les adolescents ont pour habitude de se servir de cet outil, en dehors de leur relation thérapeutique. Des adolescents ont pu se laisser entrainer par leur confort, accordant moins d’attention à nos expressions et l’analyse de notre présence, davantage être dans la verbalisation. La distance physique leur permettant de se recentrer uniquement sur les mots.

Si une adolescente a pu demander comment elle pouvait savoir si « vous ne faites pas plein d’autres trucs en même temps et que vous m’écoutez pas vraiment », elle a pu vérifier, par la présence symbolique et verbale que l’Ecoute était bien au travail.

Reste alors l’écrit. Si l’écrit peut être conseillé pour apposer des mots sur les ressentis et les perceptions de l’adolescent, l’échange écrit demeure exceptionnel. C’est une pratique expérimentée grâce à une adolescente atteinte de surdité et qui refusait la visio. Si l’écrit rend difficile l’accès au langage corporel, il crée une autre temporalité. C’est une écoute différente avec une attention particulière accordée au choix des mots, car si l’on maitrise parfaitement le message à délivrer, l’interprétation des écrits échappe davantage. La question quant aux ressentis et au vécu trouve une réponse débarrassée d’un risque : celui d’une interprétation physique ou auditive de l’Autre.

Le constat d’un bénéfice pour ces adolescents peut trouver sa source dans le fait que ces outils maintiennent l’Autre à distance. On constate des difficultés du lien concernant un grand nombre d’adolescents, ce qui vient maintenir un sentiment plus sécure à distance, leur laissant la possibilité de s’exprimer davantage.

Le confinement a fait éprouver des angoisses de liens, de relations sociales. C’est dans ce contexte que ces techniques ont pu trouver un sens particulier. Le psychologue et son patient pourront alors trouver, communément, un outil qui leur convienne pour maintenir leur lien.

On constate cependant que l’utilisation de ces méthodes a fait émerger une certaine fatigabilité pour les professionnels. L’adaptation ne pouvant être illimitée, nous serons ravis de pouvoir revoir nos patients dès que le contexte le permettra.


Mélanie Magnin
Psychologue clinicienne,
Spécialisée en psycho-criminologie et victimologie


1 – Sigmund Freud, Sigmund Freud présenté par lui-même, 1925, Gallimard, Folio, 1987.

2 – https://www.science-et-vie.com


N°5 : Au temps du confinement, quel est mon espace… ?

N°5 : Au temps du confinement, quel est mon espace… ?

L’espace est instantanément perçu comme physique et limité : le bureau, la chambre, l’espace de jeu, la maison, l’appartement, l’immeuble : il est privé mais peut être public : la rue, le skate park, le hall de l’immeuble, il peut être grand, très grand mais petit aussi. Il peut être fermé mais il peut être ouvert : grand-ouvert ou filtrant ce qui peut ou qui ne peut pas entrer. Il a des limites : des murs, des bords, il se signale : un panneau, une entrée, il autorise ou interdit ce qui vient du dehors, il laisse aller et venir mais peut aussi enfermé, contraindre ou il peut à l’inverse, rassurer et sécuriser.

“Ceci est mon espace, ton espace, notre espace…”

Mais l’espace est aussi l’espace psychique et l’on pourrait dire de ses bords, de ses limites, de son étendue qu’il est aussi un lieu à géométrie variable, dont les accès sont mesurés et ne doivent pas être effractés : je ne laisse entrer que ce que je suis prêt à entendre ou voir.

Si les espaces psychiques rencontrent les espaces physiques : cela donnera peut-être une chambre désordonnée, un signe sur la porte de votre ado : « interdit d’entrer », des posters aux murs pour rappeler que la limite est ici mais qu’elle peut être habillée et rassurante.

En ce temps de confinement, nous avons rangé nos placards, trié nos courriers, jeté, gardé, nous avons mis de l’ordre dans notre espace de vie. Comment le faire avec nos pensées, nos souvenirs, comment ordonner cet espace-là ?

« La notion d’espace est formée, celui-ci est de prime abord limité. Mais cette limitation parait accessoire, parce qu’on peut apparemment toujours introduire une boîte plus grande qui enferme la plus petite. L’espace apparaît ainsi comme quelque chose d’illimité. »  Einstein, La relativité, Paris, Payot, 1978, pp. 156-159.

Nous pouvons alors imaginer que notre espace physique appartient à un espace plus grand qui appartient à un espace encore plus grand (ma chambre, ma maison, ma ville, mon pays, …). L’espace psychique aussi renferme des boîtes dans des boîtes, nous avons en tant qu’adulte une boite de « nous-adolescent » qui elle-même contient une boite de « nous-enfant », peut-être même que se cache une boite transmise par nos parents : trauma, résilience, histoire de guerre, de migration…

Ces espaces, tant physiques que psychiques, peuvent être habités ou abandonnés, se transformer et l’adolescent est particulièrement habile pour investir, à sa façon, les espaces : aller trop loin, ne pas oser, déborder, marquer son espace, se taire ou trop en dire, … Il est habile pour les transformer, les personnaliser afin qu’ils évoquent ce qu’ils sont.

Dans mon espace, il y a le monde et dans ce monde, il y a moi… alors quelle boite renferme l’autre ?


Nathalie Reymond-Babolat
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.


N°4 : Au temps du confinement, qui suis-je ? Et qui vais-je devenir…

N°4 : Au temps du confinement, qui suis-je ? Et qui vais-je devenir…

Alors que nous nous construisons dans nos rencontres, que nous élargissons nos horizons dans nos voyages, que nous apprenons toujours des autres, qu’il nous faut partir pour connaître nos racines, nous échapper du cercle familial pour y comprendre notre place, comment continuer à être celui que nous sommes, comment devenir celui que nous voulons être, alors que nous sommes «  confiné  » dans ses murs, soumis à la «  distanciation sociale  », poursuivant nos études ou notre travail par internet.

Comment soutenir cette injonction  : «  Va, vis et devient  » alors que nous sommes ici, mais toujours à vivre et en devenir…

L’adolescent dans ce contexte devra s’inventer ce voyage, se réinventer des chemins de communication vers ses pairs, trouver comment partir tout en restant ici.

Les expériences de confinement  partagées par les astronautes, les épreuves de privation de liberté  dont sont soumis les détenus, les hospitalisations longues de ces enfants malades sont autant de moment où le corps nous rappelle en ses limites à ne pouvoir aller «  ailleurs  », loin où notre âme pourtant, souhaiterais vaguer, divaguer, s’échapper, oublier…

Nous sommes rappeler à ce que nous sommes, tout d’abord, ou peut-être en second, un corps, pris dans une temporalité. S’il est question d’être et de rester physiquement là où nous sommes, il s’agit de l’être pour une durée, déterminée.

N’avons-nous pas une alternative  ? Attendre, et nous échapper autrement…

L’humain est ainsi fait qu’il a un corps, oui mais aussi une mémoire  : rappelons-nous ces dernières vacances, cette dernière soirée avec les copains, ce dernier baiser presque inespéré, et imaginons  : quel pays je souhaiterais découvrir, quels études j’aimerais faire, en quoi je pourrais être utile, demain, dans cette société  ?

Parce que le présent nous enferme, échappons lui par nos souvenirs et évadons nous par nos projections.

Puis, réaliserons-nous peut être ce que nous avons imaginé… Il est question maintenant de «  Reste, vis et imagine…  ».


Nathalie Reymond-Babolat
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.


https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/confinement-secrets-astronautes-confinement-reussi-80254/

« Prison, le cri du silence » d’après le livre de Paul RUTY (cd audio)”Editions de l’astronome

Série TV Les Bracelets Rouges


N°3 : Le rythme adolescent dans un monde à l’arrêt.


« Crise d’adolescence : en réalité le seul moment où l’homme, ayant mesuré son destin, est tenté d’aller jusqu’au bout de ses pensées »

Pierre Turgeon

La construction de notre société occidentale actuelle s’est développée autour de la consommation, de la communication, ainsi que de la mondialisation de l’économie. Ces trois mouvements ont grandement impacté l’individu et son fonctionnement. Une liberté de choix dans une diversification infinie.

Or lorsque la décision du confinement est apparue, c’est tout un monde à l’arrêt qui est venu s’imposer à toute la population française.

L’adolescent est un consommateur exigeant et multiple dans cette société du plein. Son identification en dépend. Il expérimente ses choix au travers sa construction psychique et identitaire. C’est d’ailleurs dans une recherche de l’approbation de ses pairs qu’il viendra attester de son statut d’adolescent.

« Il importe ainsi de faire valider la valeur de ses relations privilégiées et intimes sur Facebook, devenue la scène observée par ses huit cents amis, de faire valider son look, ses choix de vêtements, sa relation amoureuse, son implication, sa rupture, le choix, provisoire, de son orientation sexuelle. »1

Or dans une période de confinement, les choix sont nettement limités, venant ainsi amenuiser les interactions sociales. Les espaces de socialisation tels que : l’école, les centres commerciaux, club de sports etc, sont tous fermés. La sphère privilégiée de l’adolescent, doit laisser sa place pour, ce qu’il recherche à distancer, sa famille. ( Non pas qu’il la déteste, encore faudrait il lui demander, mais surtout parce que sa construction nécessite de l’espace). Ce changement massif va alors perturber une

dynamique déjà fragile, et sollicite des aménagements nouveaux. Les réseaux sociaux, déjà fortement investis, deviennent des canaux de communication privilégiés. Ils constituent un étayage rassurant dans ce contexte inédit. Le temps passé sur les réseaux sera encore plus important, avec la confrontation à une multitude d’informations.

Ce qui n’est pas expliqué à l’enfant, il se l’imaginera. Ce qui n’est pas dit à l’adolescent, il en cherchera la cause.

Entre toutes ces informations, on retrouvera celle de la théorie du complot, la perméabilité des adolescents rendrait propice la croyance à ce type de théorie. Cependant l’âge ne serait pas le facteur principal en cause, cela tiendrait davantage aucontexte social et éducatif de l’adolescent.2 En effet, il pourra y retrouver, dans son schéma de pensée, des informations lui permettant d’approuver ses doutes concernant

l’autorité (gouvernement/ses parents/ses professeurs) et qui viendra lui apporter des raisons de pouvoir être en colère.

Le confinement c’est aussi l’opportunité de prendre le temps avec l’adolescent afin qu’il vous explique sa compréhension des choses, et de l’accompagner à développer son libre arbitre. L’accompagner à développer son schéma de pensée n’étant pas de lui imposer la lecture du journal de papa politisé, mais de lui proposer un accès à différentes lectures et points de vue, tout en maintenant une vigilance sur l’auteur de cet écrit et sur sa source.

Ci joint, un lien vers un site spécialisé pour les adolescents qui expliquent la construction des théories du complot, avec en prime un test sur les « fake news »: https://www.geoado.com/hors-series/theories-complot-gare-aux-mythos/

Eloge de l’ennui… Face à la solitude, d’autres occupations devront naître et faire face à l’ennui en fera partie. Se confronter à l’ennui c’est, pour certain, se retrouver face au vide, être à l’écoute de ses conflits psychiques et de ses besoins, cela peut représenter une angoisse terrible. A contrario, pour d’autres, c’est ce qui permettra de développer sa créativité et de retrouver une certaine sérénité loin d’une pression sociale constante (a bas l’anxiété de performance !).

Si toutefois l’ennui était toujours impossible à accepter, il existe des milliers d’articles disponibles sur les réseaux sociaux pour occuper son temps. Des « tutos » se démultiplient afin de devenir créateur expert de vêtements « customisés », de pâtisseries à plusieurs étages, de potager, ou encore de création en tout genre.

La société « du plein » a encore de beaux jours devant elle, à défaut de pouvoir se déplacer, on permet au mouvement de s’installer dans nos foyers.

Et si dans tout cela, c’était l’adolescent le mieux placé pour nous apprendre à faire face au processus de changement que génère une crise ?


Mélanie Magnin
Psychologue clinicienne,
Spécialisée en psycho-criminologie et victimologie


1 « Le rôle de la marque chez l’adolescent hypermoderne » Jocelyn Lachance.

2 Voir l’étude statistique : http://dante.univ-tlse2.fr/2452/1/cayrel_jane_M22016.pdf


N°2 : Le confinement, une occasion de réaffirmer nos liens !

N°2 : Le confinement, une occasion de réaffirmer nos liens !

“Heureux quand nous connaissons une famille où nous pouvons nous plaindre de notre famille.”

Jules Renard

L’adolescence est un moment où les jeunes prennent de la distance avec leurs cercles familiaux, certains à bas bruits, d’autres à grand fracas. Les contraintes et les rituels pèsent, et on préfèrerait passer ce temps entre amis…On cherche à se distinguer, physiquement, émotionnellement et intellectuellement de ses parents.

Pourtant, le besoin d’appartenance fait aussi partie des besoins fondamentaux de ces enfants devenus ados, dès leur arrivée au monde. Le nom et le prénom donnés à un nouveau né l’inscrivent au sein de la famille fondée par ses parents, mais aussi à une histoire remontant à des milliers d’années…

Appartenir, c’est faire partie, prendre part à une famille, à un cercle amical, à des groupes sociaux… C’est être relié aux autres par une adhésion commune à une dimension qui vient contenir et poser un cadre aux relations qui se passent à l’intérieur.

Par exemple, au sein d’une bande de copains, il y aura le partage d’une culture commune (musique, vêtements, séries…) mais aussi une solidarité et une loyauté qui sera attendue des membres de ce groupe.

Le mouvement de différenciation propre à l’adolescence ne pourra d’ailleurs se faire que si son inscription au sein de sa famille a été et reste sereine et contenante, y compris envers ses mouvements de rejets envers ses parents.

Alors, pourquoi ne pas se saisir de cette période particulière pour réaffirmer les liens qui nous unissent : ressortir les vieux albums de famille si on en a, créer celui qu’on aimerait revoir ensemble dans dix ans et pourquoi pas ? Lancer entre parents et ados le jeu de l’appartenançogramme…

Un appartenançoQUOI ?  Parlons plutôt d’une marguerite, dont je serais au cœur et dont les pétales tout autour représenteraient chacune des appartenances qui sont importantes pour moi, en faisant varier la taille des pétales en fonction.

Par exemple…

Ce qui peut être ENCORE plus intéressant, c’est qu’en famille on fasse nos marguerites de façon croisée. C’est-à-dire, un parent imagine quelle serait la marguerite qu’aurait faite son ado, un ado ferait celle de son parent, etc. Puis on se les expose…

Pourquoi ? Pour prendre le temps de réfléchir à ce qui compose le quotidien de l’autre, mon parent ou mon ado, nous ré-informer sur cette part de l’autre qui nous échappe lorsqu’on court habituellement dans notre quotidien… tout en acceptant que chacun puisse garder de l’intime dans ses réponses !

Vous essayez et vous nous dites ce que ça donne ?

Pour aller plus loin sur ce sujet, vous pouvez lire l’article de Robert Neuburger, Relations et appartenances: https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2003-2-page-169.htm


Béatrice Delpont
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.


N°1 : Penser le besoin de différenciation des ados en contexte de confinement.


“L’humanité entière n’est faite que de cas particuliers, la vie est créatrice de différences, et s’il y a « reproduction », ce n’est jamais à l’identique. “

Amin Maalouf

La différence, c’est bien la grande affaire de l’adolescence. Faire la différence avec l’enfant que l’on n’est plus. Faire la différence avec ces adultes, ces gens d’un autre monde qui peuvent nous agacer, nous fasciner ou au mieux nous indifférer.

La différenciation, c’est bien la grande affaire de l’adolescent. Dans ce tri qu’il va devoir faire parmi les valeurs qui lui ont été transmises par son groupe familial, comment va-t-il composer entre ce qui lui permet de continuer à appartenir à sa famille tout en étant lui, acquérir son identité d’adulte, sa place dans cette famille, son inscription sociale,… ?

Un des enjeux majeurs de l’ado est en effet de pouvoir « sortir » de sa famille, dans tous les sens du terme, trouver ailleurs de quoi faire un peu du neuf. Il est important à tout âge d’avoir plusieurs cercles d’appartenances (la famille, certes, mais aussi les amis, les associations sportives, une communauté religieuse, une appartenance politique, etc.) Mais à l’adolescence, cette question devient cruciale. L’avis du groupe des copains devient bien plus important que celui de ses parents…

Or, cette période inédite vient délimiter -physiquement en tout cas- l’appartenance à un seul cercle : celui de la famille nucléaire.

De quoi péter les plombs ! D’ailleurs que ce soit en ville ou à la campagne on voit bon nombre d’ados qui ont du mal à respecter le confinement.

Alors, à situation inédite, nouvelles réponses…  Comment permettre à nos ados de garder le contact avec leurs communautés, leurs groupes d’appartenances ? Appels, accès à leurs messageries, signaux de fumée… tout est bon, et peut-être faut-il envisager ces moyens pour eux de communiquer avec leurs copains avec un peu plus de souplesse qu’habituellement ! Et de notre côté, de ne pas hésiter à faire appel à nos amis ou à des professionnels qui peuvent également nous soutenir dans cette parentalité à l’épreuve du confinement.


Béatrice Delpont
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.