N°6 : Le confinement, une ouverture vers la création 
 d’une relation thérapeutique, autrement.

Face au confinement, nombre de psychologues se sont mis à expérimenter les consultations via la technologie informatique, jusque-là, peu ou pas utilisée.

Il est interessant de pouvoir analyser que les Psychologues, quel que soit leur courant, ne définissent pas leur relation thérapeutique (dite aussi alliance, transfert ou collaboration) au travers la présence physique de leur patient. Freud a évoqué le transfert à partir de la création d’une relation qui dépasse l’analyste et l’analysé :

«Cette relation, qu’on appelle, pour faire bref, transfert, prend bientôt la place chez le patient du désir de guérir et devient, tant qu’elle est tendre et modérée, le support de l’influence médicale et le ressort véritable du travail analytique commun. »1
Les cognitivistes évoquent un rapport collaboratif, il n’est pas non plus mentionné la nécessité d’avoir son patient en face de soi pour construire ce travail.

Si certains s’opposent à la découverte de ces outils pour différentes raisons qui leur appartiennent, d’autres, au contraire, ont pu vérifier leur intérêt, dans leur relation thérapeutique et pour leur patient. Concernant les situations des adolescents, nous avons expérimenté trois façons de maintenir le lien et d’échanger avec eux :

– « la visio »
– l’appel téléphonique
– les correspondances écrites
C’est en échangeant avec les adolescents que l’on a pu s’apercevoir que si la consultation à distance était essentielle à maintenir, elle ne l’était pas forcément avec un échange vidéo.

« La visio » vient ouvrir sur l’intimité du professionnel et de son patient un élément pouvant créer un sentiment de malaise de la part des deux protagonistes. Outre ce que l’on décide de mettre en lumière au travers la caméra, l’absence physique mais le maintien de l’image peut aussi être problématique pour l’un comme l’autre (on remarque d’ailleurs l’essor de tenue non assortie bas décontracté/haut habillé). La visio permet en revanche de pouvoir préserver l’analyse d’un langage corporel. Ce langage vient en effet apporter des éléments riches quant aux réactions immédiates et inexprimées.

Concernant les deux autres outils, ils suppriment la vue jusqu’à se focaliser sur un seul : l’Ecoute. Mais n’est il pas l’essence même du métier de psychologue ?

En 2010, l’équipe de Laurent Renier, de l’Institut des neurosciences de l’université catholique de Louvain, a découvert que le cerveau des personnes aveugles réutilise le cortex visuel pour développer ses aptitudes auditives, olfactives et tactiles : la zone

Le confinement

Face au confinement, nombre de psychologues se sont mis à expérimenter les consultations via la technologie informatique, jusque-là, peu ou pas utilisée.

Il est interessant de pouvoir analyser que les Psychologues, quel que soit leur courant, ne définissent pas leur relation thérapeutique (dite aussi alliance, transfert ou collaboration) au travers la présence physique de leur patient. Freud a évoqué le transfert à partir de la création d’une relation qui dépasse l’analyste et l’analysé :

«Cette relation, qu’on appelle, pour faire bref, transfert, prend bientôt la place chez le patient du désir de guérir et devient, tant qu’elle est tendre et modérée, le support de l’influence médicale et le ressort véritable du travail analytique commun. »1
Les cognitivistes évoquent un rapport collaboratif, il n’est pas non plus mentionné la nécessité d’avoir son patient en face de soi pour construire ce travail.

Si certains s’opposent à la découverte de ces outils pour différentes raisons qui leur appartiennent, d’autres, au contraire, ont pu vérifier leur intérêt, dans leur relation thérapeutique et pour leur patient. Concernant les situations des adolescents, nous avons expérimenté trois façons de maintenir le lien et d’échanger avec eux :

– « la visio »
– l’appel téléphonique
– les correspondances écrites
C’est en échangeant avec les adolescents que l’on a pu s’apercevoir que si la consultation à distance était essentielle à maintenir, elle ne l’était pas forcément avec un échange vidéo.

« La visio » vient ouvrir sur l’intimité du professionnel et de son patient un élément pouvant créer un sentiment de malaise de la part des deux protagonistes. Outre ce que l’on décide de mettre en lumière au travers la caméra, l’absence physique mais le maintien de l’image peut aussi être problématique pour l’un comme l’autre (on remarque d’ailleurs l’essor de tenue non assortie bas décontracté/haut habillé). La visio permet en revanche de pouvoir préserver l’analyse d’un langage corporel. Ce langage vient en effet apporter des éléments riches quant aux réactions immédiates et inexprimées.

Concernant les deux autres outils, ils suppriment la vue jusqu’à se focaliser sur un seul : l’Ecoute. Mais n’est il pas l’essence même du métier de psychologue ?

En 2010, l’équipe de Laurent Renier, de l’Institut des neurosciences de l’université catholique de Louvain, a découvert que le cerveau des personnes aveugles réutilise le cortex visuel pour développer ses aptitudes auditives, olfactives et tactiles : la zone

Le confinement

chargée des informations visuelles se remodèle pour traiter plus finement celles transmises par les autres sens2.

L’appel téléphonique permet de maintenir le lien, si l’accès aux expressions corporelles reste impossible, c’est pour privilégier l’écoute et la parole.
Les adolescents ont pour habitude de se servir de cet outil, en dehors de leur relation thérapeutique. Des adolescents ont pu se laisser entrainer par leur confort, accordant moins d’attention à nos expressions et l’analyse de notre présence, davantage être dans la verbalisation. La distance physique leur permettant de se recentrer uniquement sur les mots.

Si une adolescente a pu demander comment elle pouvait savoir si « vous ne faites pas plein d’autres trucs en même temps et que vous m’écoutez pas vraiment », elle a pu vérifier, par la présence symbolique et verbale que l’Ecoute était bien au travail.

Reste alors l’écrit. Si l’écrit peut être conseillé pour apposer des mots sur les ressentis et les perceptions de l’adolescent, l’échange écrit demeure exceptionnel. C’est une pratique expérimentée grâce à une adolescente atteinte de surdité et qui refusait la visio. Si l’écrit rend difficile l’accès au langage corporel, il crée une autre temporalité. C’est une écoute différente avec une attention particulière accordée au choix des mots, car si l’on maitrise parfaitement le message à délivrer, l’interprétation des écrits échappe davantage. La question quant aux ressentis et au vécu trouve une réponse débarrassée d’un risque : celui d’une interprétation physique ou auditive de l’Autre.

Le constat d’un bénéfice pour ces adolescents peut trouver sa source dans le fait que ces outils maintiennent l’Autre à distance. On constate des difficultés du lien concernant un grand nombre d’adolescents, ce qui vient maintenir un sentiment plus sécure à distance, leur laissant la possibilité de s’exprimer davantage.

Le confinement a fait éprouver des angoisses de liens, de relations sociales. C’est dans ce contexte que ces techniques ont pu trouver un sens particulier. Le psychologue et son patient pourront alors trouver, communément, un outil qui leur convienne pour maintenir leur lien.

On constate cependant que l’utilisation de ces méthodes a fait émerger une certaine fatigabilité pour les professionnels. L’adaptation ne pouvant être illimitée, nous serons ravis de pouvoir revoir nos patients dès que le contexte le permettra.


Mélanie Magnin
Psychologue clinicienne,
Spécialisée en psycho-criminologie et victimologie


1 – Sigmund Freud, Sigmund Freud présenté par lui-même, 1925, Gallimard, Folio, 1987.

2 – https://www.science-et-vie.com


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