N°8 : D’un confinement à l’Autre.

Le lundi 16 Mars a été annoncée la mise en place d’une mesure sanitaire exceptionnelle: le confinement de la population nationale. Mais de quoi s’agit-il réellement? Au delà des explications scientifiques, médicales et préventives, il s’agit d’une manière d’être au monde et d’être en rapport avec le monde: de plus loin (distanciation sociale), de beaucoup plus loin!

Pour certains, le choc est brutal, le quotidien est bouleversé. On est comme censuré, les interdits et les limitations se multiplient: on ne peut plus aller au travail, au Collège, au restaurant, au cinéma, au tennis, on ne peut plus sortir en randonnée, faire du vélo, on ne ne peut plus voir ses amis, on ne peut plus jusqu’à toucher ou être touché…

Mais nous aurions tort de croire que tous ont été bouleversés par cette annonce: le monde rural a, sur l’urbain, une avance considérable en cela qu’il est déjà habitué à “être” loin”, loin des cinémas, des restaurants, des courts de tennis. N’avons- nous pas assisté à un départ massif des urbains pour gagner d’autres territoires où “être confiné” s’inscrit plus facilement dans les habitudes de vie?

D’autres espaces ont aussi échappé (en partie) à la sévérité de la mise en confinement: les lieux de privation ou de limitation des libertés: hospitalisé, placé, confiné: une même tendance se dessine.

Peut-être même que l’un protège de l’autre? D’un confinement à un autre…

Par exemple, il nous est rapporté que les adolescents hospitalisés “ne disent rien de cette barrière (masque) ni même de la situation exceptionnelle que nous vivons tous.” Il est plus facile d’accepter un cadre qui change peu qu’un cadre qui change tout!! L’ennui est plus prégnant car les médiations thérapeutiques occupaient un temps qui devient vide.

La majorité d’entre eux semble “coincés” dans un ici et maintenant où leur problématique est au centre ” je sors quand de la chambre d’isolement?”, “va t’on me mettre une sonde si je perds encore du poids?“, “je veux voir ma mère tout de suite!” parce que l’adolescent est autocentré et ne se projette qu’à très court terme: il revendique et réclame ce dont il a besoin maintenant, il énonce ce qu’il craint maintenant!

Pourquoi un tel détachement entre son contexte personnel et le contexte national? Est-ce l’instinct de préservation, est-ce du déni, le fait d’une limite cognitive, ou l’exigence sanitaire devient-elle une préoccupation secondaire, une préoccupation “de l’après” qui n’a pas sa place dans l’ici et maintenant….dans ce lieu, déjà, de confinement?

L’adolescent est aussi à la recherche d’une justice et d’une égalité de tous alors lorsqu’on lui impose à lui comme à tous les autres les mêmes règles, il s’inclut dans un collectif plus grand et accepte, pour lui, l’effort demandé.

Les témoignages sont nombreux pour tenter de décrire, partager et peut-être laisser une trace de cette expérience.

Du côté des professionnels:

  • Il y a ceux “rentrés chez eux” pris dans le paradoxe du temps et de l’espace: être chez soi (sans préparation, sans matériel) dans le cadre confortable de son espace privé et continuer à répondre aux exigences professionnelles, au besoin de communication, de connexion, aux projets et aux comptes rendus à rédiger…. Devenir maître de son temps et le laisser nous échapper, nécessitant mille autres tâches inhérentes à notre présence dans notre espace privé : nos enfants, les courses, la toiture qui fuit…

Le cadre dans lequel et avec lequel nous travaillons n’est pas simple à faire émerger dans notre espace privé. Pour autant, nous aurons tous trouvé une issue : une pièce pour “nous” (jusqu’à se retrouver dans la salle de bain), un moment pour travailler (sieste des enfants,…) et il sera apparu avec autant de spontanéité l’acceptation de l’irruption de ce monde dans ce champ (de vision…) professionnel: la voix des enfants, la connexion interrompue, etc…

Nous nous sommes heurtés aux limites du télétravail (visioconférence sans micro!!) et avons pu en tirer des leçons, nous savons dorénavant ce qu’il nous est possible de faire et dans quelles conditions.

Les modalités de travail ont dû se transformer, démontrant efficience et limite.

  • Il y a ceux “réquisitionnés” qui ont dû continuer à se rendre sur leur lieu de travail ou parfois intégrer un autre établissement parce que le public (enfants placés, adolescents hospitalisés, adultes en situation de handicap), n’avait pu rejoindre leur domicile. Le paradoxe est autre : prendre un risque pour prendre soin?  Sujet du prochain édito!

Nathalie Reymond-Babolat
Psychologue clinicienne,
D-Clic Arpège, Maison Des Adolescents du Gard.


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